Camdessus et l’échec des FMI’s Boys

L’ÉCHEC DES  » FMI »S BOYS  »

Aujourd’hui, au moment où Michel Camdessus ancien directeur général du Fonds Monétaire International est sollicité par Ouattara pour rassurer les investisseurs en utilisant la méthode Coué, nous allons ensemble voir la situation qui était celle de la Côte d’Ivoire dans les années 80, où le  » miracle ivoirien » qui finira par se révéler comme un mirage, a viré ensuite au cauchemar.

Il est important de le savoir, d’abord parce que Michel Camdessus était directeur général du FMI et que le programme appliqué était inspiré par cette institution de Bretton Woods , ensuite parce qu’aujourd’hui on nous sert encore les mêmes recettes qui ont conduit la Côte d’Ivoire dans les problèmes qu’elle a aujourd’hui.

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Michel Camdessus est donc venu en Côte d’Ivoire et a essayé de rassurer les investisseurs avec un enthousiasme qu’il voulait certainement communicatif mais il s’est trahi lui-même. En effet, en annonçant que la Côte d’Ivoire pourrait connaître l’émergence avant l’heure, c’est-à-dire avant 2020, sans toutefois dire comment cette émergence se caractérisera, il a pratiquement lui-même démenti ses propres propos en disant que  » l’émergence ne doit pas être perçue comme une ligne d’arrivée, mais plutôt comme une ligne de départ’’ donc par déduction que 2020 serait l’année de départ pour l’émergence. Ce qui veut dire que pour l’émergence de  » la cinquième économie du monde  » il faudra attendre au-delà de 2020. Ce n’est donc plus EMERGENCE 2020 mais EMERGENCE APRÈS 2020,

Comme dans les année 80, nous sommes ici dans la communication à outrance pour embrouiller tout le monde et essayer de cacher un échec mais l’histoire est têtue et se répète comme on peut le voir en lisant ces lignes que je vous propose. Bonne lecture

LE GOUVERNEMENT DES  » FMI »S BOYS  » DE 1990 A FIN 1993

La primature d’Alassane Ouattara traduit une ingérence maximale des institutions de Bretton Woods dans la politique ivoirienne, contre les traditions démocratiques locales. Jamais le FMI et la Banque Mondiale, via l’exécutif ivoirien, n’ont eu autant de pouvoir.

Avec cette primature, l’efficacité escomptée est à son comble, ; le degré de liberté de la Côte d’Ivoire est quasi-nul, sauf une opposition syndicale et politique qui sera matée.

Le marché du développement tourne autour du duo FMI-Banque Mondiale. Les autres intervenants publics, telle la France, ne peuvent qu’adhérer aux programmes définis à Washington. La hiérarchie des bailleurs de fonds est bien établie, malgré les efforts du PNUD pour se rendre maître de la planification du développement.

Le pouvoir économique s’affirme par le statut privilégié de la primature qui s’entoure d’une administration d’exception. Un dualisme très fort oppose une administration d’expertise,  » les Grands Travaux »( actuellement BNEDT) avec ses ingénieurs et ses experts étrangers, à une administration locale dépossédée de ses attributions. Celle-ci est surtout démotivée par les attaques dont elle est l’objet : recensement administratif brouillon, diminutions de salaires et coupes drastiques dans les moyens.

Les grands programmes impulsés par la banque Mondiale et le FMI se multiplient. L’ajustement prend une nature sectorielle et concerne par exemple les routes, l’eau, l’énergie, mais l’effet est quasi-nul face à la désincitation des responsables.

Dans la nouvelle conception de l’approche nationale des programmes, la capacité de gestion devient l’élément central que traduit bien le Programme d’Aide à la Gestion Economique ( PAGE). Les experts ont conscience de la dégradation de la gestion administrative notamment à des niveaux clefs : régies des recettes fiscales, gestion de l’éducation nationale, suivi des investissements. Ces nombreux projets ne sont pas pour autant incitatifs sur le plan individuel.

Dans le même temps, les mesures pour assurer la flexibilité du marché du travail sont sévères : révision du code du travail, baisse des salaires et blocage des promotions dans le secteur privé avec primes de départ.

Quant au programme de privatisation, éléments de la conditionnalité du FMI et de la Banque Mondiale, ils commencent à être mis en œuvre. Ils concernent les secteurs prioritaires de l’énergie ( EECI), de l’agro-alimentaire ( PALMINDUSTRIE)

Enfin, la primature est associée à la préparation de la dévaluation et accepte les termes du débat : des crédits sont généreusement accordés de 1991 à 1993.

Très vite, des premiers éléments de bilan s’imposent. Les problèmes de l’investissement privé, sécurité policière, assise juridique, droits certains de propriété, fiscalité normale , ne sont pas résolus. L’exaspération des travailleurs est à son comble et les manifestations contre ce pouvoir technocratique se multiplient.

La dette n’est pas mieux traitée, aussi bien dans sa gestion courante que dans sa résorption; les programmes et les crédits s’accumulent sur les promesses et sur la crédibilité de la nouvelle équipe.

L’orientation générale de l’économie n’est pas claire. La régulation des filières café et cacao pose problème et les projets de privation de la caisse de Stabilisation restent inapplicables. L’industrialisation n’est pas établie sur des bases correctes et l’état est divisé entre une expertise exceptionnelle au service de la primature et une administration courante sans moyens et sans espoir. L’appareil étatique, en particulier la capacité de gestion des administrations , est brisé.

Très confuses, caractérisées par le manque de transparence des appels d’offres, et le manque de garanties contre l’opportunisme local et la corruption, les privatisations peinent à produire les résultats escomptés en matière d’efficacité et donc de croissance de la production.

En résumé, les autorités des années 1990 à fin 1993 ont eu tous les moyens pour inciter à la reprise des investissements privés et à l’application des mesures des experts, mais les résultats sont nuls et l’avenir politique s’assombrit.

Le secteur privé se révèle de plus en plus méfiant devant une fracture politique de la Côte d’Ivoire qui deviendra  » régionale « , ethniqique avec « l’ivoirité  » et même religieuses. Le secteur public s’écroule un peu plus chaque jour. La pauvreté de la population s’aggrave avec une destruction accélérée des capacités : éducation, santé, logement social, nutrition.

L’échec économique des  » FMI’s boys  » de 1990 à fin 1993 est largement dû à leur prétention politique au sein du parti unique et à leur incapacité démocratique. Cet échec suffit à mettre en doute les promesses d’Alassane Ouattara et le fait qu’  » il tient dans la main  » le patronat. Si sa crédibilité économique  » décidait  » de l’investissement privé et du développement ivoirien, on aurait dû le savoir depuis fin 1991. Hélas, le recours à  » l’ivoirité  » le posera comme martyr et représentant de communautés qui, sur sa réussite économique, auraient dû le rejeter.

La politisation des institutions internationales de développement a eu des effets pervers. L’envoi d’une équipe FMI en 1991 en Côte d’Ivoire se traduit par une régression des libertés fondamentales, à contre-courant de la démocratisation de l’Afrique, et par une déstabilisation politique irrémédiable.

Sur le plan économique, cette déstabilisation démotive les investisseurs et détruit les dernières capacités du pays ( éducation, santé ) et de l’état ( capacité de gestion ).

Marie-France JARRET et François-Régis MAHIEU. De la déstabilisation à la refondation. L’Harmattan. 2002. Pages
30-31-33-34.
Alexis Gnagno