Bouaké, le massacre qui hante Soro

COMME UNE PIQÛRE DE RAPPEL, JE VOUS PROPOSE A NOUVEAU CE TEXTE

BOUAKE, LE MASSACRE QUI HANTE SORO

Aujourd’hui, certains rebelles sont  » inquiétés  » dans ce qui apparaît comme une mise en scène, là où les partisans du président Gbagbo , réels ou supposés, sont arrêtés et emprisonnés avant même de connaître les raisons de leur arrestation. Il y a ainsi aujourd’hui des gens qui sont en prison sans connaître les raisons de leur détention. Et cela dure depuis six ans.

je suis donc allé exhumer dans les archives ce rapport d’Amnesty International de février 2003, qui parle du massacre des gendarmes de Bouaké et qui accuse clairement le MPCI de Soro Kigbafori Guillaume, pour vous en livrer cet extrait significatif ci-dessous .

 » A Paris, le 29 janvier 2003, au lendemain de la signature des accords de Linas-Marcoussis destinés à apporter une solution politique au conflit qui déchire la Côte d’Ivoire depuis près de cinq mois, Amnesty International a pu évoquer ces informations ( sur le massacre de Bouaké) lors d’une rencontre avec certains des principaux responsables du MPCI, y compris le secrétaire général de ce mouvement, Guillaume Soro Kigbafori . »
 » Les responsables du MPCI n’ont pas nié sur le fond les informations recueillies par Amnesty International tout en précisant qu’ils n’étaient personnellement pas au courant de ces faits. »
Il s’agit donc, selon cette organisation, de quelque chose que Soro Guillaume et  » Les responsables du MPCI n’ont pas nié sur le fond. ».
Et Amnesty International raconte.

 » A Bouaké, le 06 octobre 2002, une soixantaine de gendarmes accompagnés d’une cinquantaine de leurs enfants et de quelques autres autres civils ont été arrêtés dans leur caserne par des éléments armés du Mouvement Patriotique de Côte d’Ivoire (MPCI) qui avaient pris la deuxième ville du pays depuis le 19 septembre 2002.
Ces personnes ont été conduites à la prison du camp militaire du 3 ème bataillon d’infanterie. Ce même soir, des éléments armés du MPCI sont entrés à plusieurs reprises dans la prison et ont tiré en rafales, tuant et blessant des dizaines de détenus. Les survivants sont restés deux jours avec les blessés et les cadavres en décomposition sans recevoir de nourriture.
Certains ont été contraints de transporter les cadavres et de les enterrer dans des fosses collectives, et une dizaine d’entre eux ont très vraisemblablement été tués sur les lieux mêmes du charnier après qu’ils eurent enterré leurs camarades. »

 » Ces informations ont été recueillies par des délégués d’Amnesty International auprès de quelques-uns des survivants de ce massacre au cours d’une mission d’enquête menée dans la zone tenue en décembre 2002. Elles ont été recoupées avec les témoignages d’autres survivants qui avaient été libérés et avaient pu rejoindre les zones sous contrôle gouvernemental. ». Il s’agit donc de témoignages authentiques.

« A Bouaké, au cours de leur mission d’enquête, les représentants de notre organisation ont officiellement demandé à des responsables de l’aile militaire du MPCI de visiter les fosses collectives où auraient été enterrés des gendarmes. Les autorités du MPCI ont répondu qu’elles ne connaissaient pas le lieu exact de ces fosses et que celles-ci ne contenaient que des corps de gendarmes tués au combat. »

Faux ! L’un des gendarmes survivants raconte ici les circonstances de leur arrestation le 06 octobre 2002 :

« Nous avons entendu des coups de feu vers 03-04 heures du matin dans la nuit du 18 au 19 septembre. Nous avons sifflé le rassemblement pour protéger la caserne d’une attaque. Nous avons appris par la radio que les « zinzins « et les « bahéfoués » ( les militaires engagés sous la période de transition dirigée par le général Guéï qui avaient appris leur prochaine démobilisation ) s’étaient révoltés.

Toute la journée du 19 septembre, nous sommes restés sur nos gardes mais nous n’avons pas été attaqués, alors nous sommes restés à l’intérieur de nos barrières.

Le 20 septembre, des 4×4 se sont approchés de la clôture et des éléments armés se trouvant à bord de ces véhicules ont tiré en l’air. Nous n’avons pas répliqué parce que nous n’avions pas assez d’armement. Nous avons décidé de mettre un drapeau blanc sur la clôture et de ranger nos armes. Nous sommes ainsi restés dans notre caserne jusqu’au 06 octobre vers midi. »

Les gendarmes seront arrêtés par des rebelles qui les soupçonnaient d’être des infiltrés après la tentative de reprise de la ville de Bouaké par les forces loyalistes, tentative qui finira par échouer et dont l’histoire se chargera de démêler les complicités diverses qui ont conduit à cet échec.

« Nous avons dû marcher durant plus d’une heure sous les huées de la population. Vers la préfecture de police, il y avait un attroupement qui criait :  » Egorgez-les, tuez-les .Des gens nous ont lancé aussi des pierres et nous ont frappés. », raconte un gendarme.

Vers vingt heures ce jour-là, c’est le début de l’horreur. Un massacre prémédité, froid.

 » Deux hommes sont entrés dans la prison dont un dozo et un autre en tenue militaire. Ils sont restés sur le seuil de la porte d’entrée et nous ont lancé des menaces agressives. Puis soudain, contre toute attente, le dozo a envoyé une rafale de Kalachnikov, touchant tous ceux qui étaient devant lui. Certains détenus étaient assis, d’autres couchés par terre, beaucoup ont été touchés. », raconte un rescapé.

Les rebelles reviendront ce jour-là à 22 heures. Ils reviendront encore le jour suivant, les jours suivants. Je vous épargne les autres détails de ce massacre qui sont nombreux, précis et poignants.

J’ai décidé d’écrire sur cette affaire parce que ce qu’il faut retenir de cet épisode sanglant de l’histoire de notre pays, c’est que même si nous ne connaîtrons certainement jamais les exécutants, tous les exécutants de ce massacre, nous en connaissons les responsables dont le plus connu reste Soro Kigbafori Guillaume qui essaie aujourd’hui en vain de se refaire une virginité.

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Après avoir troqué son treillis de chef rebelle contre le costume de ministre puis de premier ministre, il porte aujourd’hui le costume de  » président de l’Assemblée Nationale du régime Ouattara « , et se trouve en pleine construction d’une apparence qu’il essaie d’agrémenter de lunettes pour se donner un air d’intellectuel inoffensif. Mais l »histoire est têtue, surtout quand elle a été écrite dans le sang de personnes désarmées, et donc inoffensives. « On n’enterre pas l’histoire avec une pelle » écrivait un jour un jeune homme que j’aime bien. Il a bien raison.

Bonne journée à tous
Alexis Gnagno