9 Novembre 1938, nuit de cristal

J’avais deux collègues de travail, qui ont vécu cette nuit de cristal. Souvent la nuit, elles entendaient encore ce bruit de vitres brisées, de vitraux cassés… Leurs familles n’ont pas survécu. A la suite de cette effroyable nuit,  les juifs anglais ont mis en place les Kindertransporte qui ont permis à quelques 3000 enfants de quitter l’Allemagne. Mes amies n’ont jamais eu de nouvelles de leurs familles restées sur place.
Shlomit
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2 500 morts, près de 30 000 déportations, 200 synagogues détruites et 7 500 entreprises saccagées: tel est le bilan de la « Nuit de Cristal »  qui s’est déroulée dans la soirée du 9 novembre 1938 dans de nombreuses villes allemandes et autrichiennes. Initiées directement par Hitler et ses proches, cette  « pogromnacht », comme l’a appelée Mme Angela Merkel en 2008, a été le signe avant-coureur de la Shoah, menée sur le terrain par les S.A. et les SS, dans la plus parfaite indifférence de la population allemande. Condamnés collectivement à une « amende »  d’un milliard de marks, de nombreux Juifs allemands cherchent alors à émigrer, mais, malgré les condamnations internationales, les portes de tous les pays restent closes.
Aujourd’hui, cette tragédie annonciatrice de drames encore bien plus épouvantables n’est guère évoquée. Elle doit pourtant rester vivace dans nos mémoires, car comme le disait George Santayana,  » ceux qui ne peuvent se souvenir de leur passé sont condamnés à le répéter ».

La « Nuit de Cristal »

Après cinq années de National-socialisme, les chefs du régime constatent que, malgré les menaces et les brimades, les trois-quarts de la population juive du Reich ont choisi de rester. Situation d’autant plus préoccupante que presque 200 000 Juifs résidants en Autriche tombent sous l’autorité du Reich après l’Anschluss. 1938 sera l’année d’une radicalisation et d’une accélération des mesures antisémites visant à éliminer toute présence juive, en particulier dans l’économie, et à encourager une émigration massive. Ces mesures législatives s’accompagnent d’actes de violence dont le point culminant sera
la « Nuit de Cristal ».

L ’assassinat de Ernst vom Rath par Herschel Grynszpan

Herschel Grynszpan après son interrogatoire par la police parisienne, 7 novembre 1938.
Herschel Grynszpan après son interrogatoire par la police parisienne, 7 novembre 1938.

Le 7 novembre 1938, Herschel Grynszpan, Juif polonais d’origine allemande qui habite Paris et veut protester contre la récente expulsion des Juifs polonais vivant en Allemagne par-delà la frontière polonaise, se présente à l’ambassade d’Allemagne et blesse mortellement Ernst vom Rath, secrétaire d’ambassade.
En France, Grynszpan est inculpé par le juge Tesnière de tentative d’assassinat et de meurtre avec préméditation.
Transféré à Berlin, Grynszpan est interrogé puis incarcéré à Sachsenhausen, le 18 janvier 1941 et fait plusieurs séjours à la prison de la Gestapo. Personne n’a jamais su avec certitude ce qu’il advint de Grynszpan. Si, en février 1936, le meurtre de Wilhelm Gustloff, chef d’une branche suisse du parti nazi, par David Frankfurter, étudiant juif d’origine yougoslave était passé inaperçu en raison des Jeux olympiques de Berlin celui de vom Rath est, pour les nazis, le prétexte au déclenchement de la « Nuit de Cristal ».

Le pogrom antijuifs

A l’annonce de l’attentat contre vom Rath, la presse allemande développe à l’envi le thème de la conspiration juive mondiale et menace de sévères représailles. C’est le prétexte idéal pour faire la chasse aux Juifs et les contraindre à quitter massivement l’Allemagne. Le 9 novembre au soir à Munich, Goebbels prononce un discours violent d’incitation aux représailles devant les chefs nazis réunis à l’ancien Hôtel de Ville de Munich pour la commémoration du putsch de 1923 et annonce que des pogroms antijuifs ont éclaté dans les districts de Kurhessen (Hesse-Cassel) et de Magdeburg-Anhalt. Il ajoute que, sur sa suggestion, Hitler a décidé de ne rien faire pour empêcher un mouvement qui s’étendrait spontanément à l’ensemble du Reich.
A l’annonce du décès de vom Rath l’émeute se propage avec une rapidité foudroyante. La SA donne ordre à ses troupes d’incendier systématiquement toutes les synagogues du pays. Informé des événements dans la nuit, Himmler a une réaction relativement modérée, ordonnant à ses troupes d’entrer en action pour empêcher un pillage généralisé et pour interner une vingtaine de milliers de Juifs dans les camps de concentration. Les agresseurs se ruent à l’assaut des symboles de la vie juive.
Près d’une centaine de Juifs sont assassinés, plusieurs sont gravement blessés, des femmes sont violées. En Autriche le pogrom est plus violent encore : 42 synagogues sont détruites, 27 Juifs tués, une centaine est gravement blessée. 6 500 personnes sont arrêtées et transférées principalement aux camps de concentration de Dachau et Buchenwald.
La grande majorité des internés Juifs allemands et Juifs autrichiens, lors de la « Nuit de Cristal », est progressivement libérée entre le 18 novembre 1938 et le printemps 1939 s’ils s’engagent à émigrer sans tarder et à abandonner la majeure partie de leurs biens. Parmi eux, les vieillards, les grands malades, ceux qui peuvent prouver qu’ils vont émigrer ou accepter de céder leurs entreprises à un Aryen pour un prix dérisoire, sont les premiers libérés. Le froid, les mauvais traitements et les maladies provoquent la mort de plusieurs centaines « de Juifs de novembre ». La communauté juive est condamnée à payer une amende de un milliard de marks pour avoir causé ces dommages « en provoquant la juste colère du peuple allemand ». Elle sera prélevée sur les 7 milliards d’avoirs juifs bloqués depuis avril 1938.
Le déchaînement de violence donne à tort l’impression d’une émeute spontanée. En fait, à l’exception d’une minorité, la population est restée spectatrice. Peu de voix s’élèvent pour protester officiellement. Les Eglises restent silencieuses.

Foule devant une synagogue en feu. Vienne 10/11/1938
Foule devant une synagogue en feu. Vienne 10/11/1938

Dans la journée du 10, les violences cessent. Le bilan est très lourd : destruction de 267 synagogues en Allemagne, de nombreuses maisons communautaires, de milliers de lieux privés (maisons, appartements et commerces). A ces destructions matérielles s’est ajouté l’assassinat de 91 Juifs, l’arrestation et la déportation de 30 000 hommes à Dachau et Buchenwald. Dans les semaines qui suivent, la communauté juive est secouée par une vague de suicides sans précédents (680 dans la seule ville de Vienne), et la vague d’émigration vers l’Europe occidentale et la Palestine s’accélère.

Conscient du retentissement à l’échelle nationale et internationale de cet évènement (condamnation de l’opinion publique et politique au Royaume Uni et aux Etats-Unis, boycott des entreprises en France, Canada, Pays-Bas), le régime nazi décide de ne pas renouveler d’actions similaires au grand jour.

Mémorialdelashoah.org

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