Suspension de l’audition de Soul To Soul

Le régime se moque des Ivoiriens

De qui se moque le régime Ouattara ? C’est le moins qu’on puisse demander au regard de la façon dont il conduit les enquêtes préliminaires sur des dossiers de la sécurité nationale. L’opinion vient d’être estomaquée par un cas des plus éloquents de cette gestion à variable géométrique de ce type de recherche de vérité. L’audition par la brigade recherche la gendarmerie nationale de Koné Kamaraté Souleymane dit Soul To Soul, directeur du protocole de Guillaume Soro, président de l’Assemblée nationale, est suspendue.

Pendant la récente mutinerie du 12 au 16 mai 2017, une cache d’armes de guerre a été découverte à Bouaké dans une maison appartenant au collaborateur de Guillaume Soro. Le ministre délégué à la Défense, Alain-Richard Donwahi promet une enquête et la lumière. L’intéressé reconnait que la maison lui appartient, mais pas les armes. Comment ces armes se sont-elles retrouvées là, dans une maison où selon lui, habitait sa mère ? A qui appartiennent-elles ? Depuis quand étaient-elles stockées là ? A quoi étaient-elles destinées ? Etc. Tout cela a besoin d’être renseigné. La gendarmerie envoie donc, comme dans une République correcte, une convocation à Koné Kamaraté Souleymane. Sans le brutaliser. Sans le mettre aux arrêts. Commence alors l’audition le lundi 29 mai 2017. Comme un feuilleton. Pendant trois jours, il a été entendu. Et après chaque séance, Soul To Soul retourne chez lui, pour revenir le lendemain.

Le mercredi 31 mai, il est annoncé que l’audition se poursuivrait le jeudi 1er juin 2017. Mais Soul To Soul ne sera pas à ce rendez-vous. Ni le procureur de la République Souleymane Méité qui, selon notre reporter sur les lieux, rapportant les propos d’un proche de Soul To Soul, lui aurait demandé de « partir et quand il aura besoin de lui, il lui fera signe. Pour le moment, on ignore le jour de la poursuite de l’audition ». On en est là. L’audition est suspendue.

Pour un homme chez qui on a découvert une poudrière, qui, de surcroît, a servi dans une mutinerie, c’est surprenant qu’il soit en toute liberté. Car, il se serait agi d’un pro-Gbagbo que le régime aurait procédé autrement dans le traitement de ce dossier. Nous en voulons pour preuve le cas de Me Ange-Rodrigue Dadjé, l’avocat de Simone Gbagbo, arrêté le 29 mars 2012 à son retour en Côte d’Ivoire après des mois d’exil. Maître Dadjé a été immédiatement jeté à la Direction de la surveillance du territoire (DST), puis incarcéré à la Maca (Maison d’arrêt et de correction d’Abidjan) pour atteinte à la sûreté de l’Etat. Sans convocation. Sans libre audition comme pour Soul To Soul. Il n’est remis en liberté provisoire qu’en 21 juin 2012. En vérité, il était reproché à Me Dadjé, comme au commun des pro-Gbagbo, d’avoir participé à la violation de l’embargo sur les armes imposé à la Côte d’Ivoire par l’Onu. Il serait impliqué dans des opérations d’achats avec des biélorusses. Il n’avait pourtant pas été découvert chez lui un stock d’armes comme c’est le cas chez Soul To Soul.

Mais sans préalable, le régime a jeté l’Avocat en prison. Or, selon Me Joachim Bilé-Aka, bâtonnier de Côte d’Ivoire, à la mise en liberté de Me Dadjé, «Je ne peux que me réjouir de cette libération, dans la mesure où, dès l’origine des faits, j’estimais que les circonstances de sa détention n’étaient pas justifiées. D’abord, il était à la DST sans que les procédures aient été observées en droit ivoirien. Lorsqu’un citoyen ivoirien fait l’objet de poursuites, il ne peut être détenu dans les locaux de la police plus de 48 heures. De là, il doit être présenté devant un juge d’instruction. » Chose que le régime n’a pas du tout observé dans le cas de Me Dadjé.

C’est pourquoi la suspension de l’audition de Soul To Soul frise le mépris des Ivoiriens. Le pouvoir agit ainsi parce que c’est son propre « couteau », proche de Guillaume Soro. Et Guillaume Soro, c’est le visage de l’ex-rébellion des Forces nouvelles (Fn) dont procède ce pouvoir. Le régime se moque donc des Ivoiriens dans son exercice du deux poids, deux mesures. C’est inacceptable.

Germain Sehoué
gs05895444@yahoo.fr