Aux États-Unis, les confessions d’un «fraudeur électoral» démocrate alimentent les soupçons

Dans un article du New York Post, un militant détaille ses techniques pour trafiquer le vote par correspondance. Des révélations mises en doute par des partisans démocrates.
Par Luc Lenoir, 2 septembre 2020

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La démocratie américaine menacée ? Oui, mais par les démocrates ! Voilà une démonstration qui pourrait surprendre bien des spectateurs, habitués aux analyses sur les risques de confiscation du pouvoir par Donald Trump. Alors que la tension monte aux États-Unis autour de l’élection présidentielle, et des risques pesant sur le vote dans le contexte de lutte publique contre le coronavirus, le New York Post a en effet publié la «confession» d’un fraudeur engagé à gauche, qui affirme avoir truqué de nombreuses élections fédérales. Essentiellement dans le New Jersey, où il réside, mais en décrivant un système de manipulation existant dans de nombreux autres États. Le mobile du passage aux aveux ? Le militant serait un soutien acharné de Bernie Sanders et ne se voit pas soutenir la candidature de Joe Biden.

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Le récit est d’importance car, sous la pression de la lutte contre le coronavirus, de nombreux électeurs annoncent avoir choisi cette année le vote à distance. Celui-ci existe sous deux formes dans les États américains. La première est le vote par procuration, plébiscité par le Président actuel pour sa sécurité, nécessitant une demande de la part du votant. Le second est le scrutin postal, pour lequel il suffit de renvoyer un formulaire dans une enveloppe spécifique prédistribuée.

Ouverture d’enveloppes à la vapeur, destruction de votes dans les quartiers républicains…

Et c’est dans ce type de votes que le témoin du New York Post affirme que la fraude «est plus une règle qu’une exception». À l’appui de sa démonstration, un véritable mode d’emploi de la fraude, avec plusieurs procédés possibles. La première technique consiste à utiliser l’enveloppe d’un votant, pour y mettre un bulletin obligatoirement démocrate. Il faut au préalable faire le tour des domiciles et convaincre les citoyens de laisser les fraudeurs poster leur courrier de vote à leur place. Une mission «beaucoup plus facile qu’on ne le pense», d’après le fraudeur cité par le journaliste Jonathan Levine, en se faisant passer pour une association de service public. Ensuite, l’enveloppe est ouverte à la vapeur, puis on y glisse un nouveau bulletin en falsifiant la signature. Pour éviter toute suspicion, les enveloppes rouvertes sont ensuite disséminées dans toutes les boîtes postales de la ville.

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Les employés des postes peuvent également influer facilement sur l’élection, selon le témoin. «Vous avez un facteur qui est un type anti-Trump enragé et travaille à Bedminster ou dans un bastion républicain… Il peut prendre les bulletins de vote [remplis], et sachant que 95% sont en faveur d’un républicain, il peut simplement les jeter à la poubelle», explique-t-il. Un écho à l’histoire de certains lots de courriers électoraux retrouvés après le vote, lors d’élections locales à New York en 2017 ?

Autre «mine d’or» de votes à disposition, les lieux de vie accueillant des personnes fragiles. «Il y a des maisons de retraite où l’infirmière est en fait un opérateur rémunéré. Et elle va pièce par pièce voir ces personnes âgées, qui souhaitent voter pour se sentir utiles», déclare ainsi le lanceur d’alerte. Il suffit alors de remplir le bulletin pour eux et de leur faire signer ce que l’on veut…

Enfin, le témoin précise que, la plupart du temps, l’historique de participation aux élections est une information publique aux États-Unis. Une dernière technique, encore plus sauvage, consiste donc à aller voter, un jour d’élection, à la place d’un citoyen recensé comme abstentionniste, et qui ne risque pas de venir. Certains États ne demandent en effet pas de pièce d’identité. Une information déconcertante vue de France qui légitime la méfiance de certains observateurs pour ce type de scrutin.

L’investigation mise en doute par un observatoire progressiste

Interrogé par Fox News, le journaliste est revenu sur l’origine de l’article, soulignant que le fraudeur est venu à sa rencontre et a livré des «détails impressionnants» de crédibilité, requérant l’anonymat au vu des risques encourus. Rapidement, le camp républicain a mis en avant la publication. Les deux fils de Donald Trump ont tweeté un lien vers l’article, Eric Trump qualifiant le travail de «must-read».

Du côté de l’opposition, le témoignage semble plutôt gêner l’establishment démocrate. De même, les reprises de l’information viennent pour l’instant de médias à dominante pro-Trump. Media Matters for America (MMfA), une organisation progressiste spécialisée dans la veille des médias pro-républicains, s’est toutefois penchée sur le travail du New York Post . Elle liste d’abord une série de journalistes, activistes et personnalités républicaines en tout genre qui ont publié l’article sur leur compte twitter, soulignant que «les médias de droite et le GOP [Grand Old Party, parti Républicain] poussent depuis plusieurs années le mythe de la fraude électorale pour affaiblir la participation». Avant de citer une étude du «Brennan Center for Justice», un think-tank progressiste, qui certifiait en avril dernier que la fraude via «scrutin postal» est un «discours trompeur».

L’observatoire va jusqu’à questionner l’anonymat du témoin, un principe pourtant sacro-saint dans le journalisme d’investigation. En filigrane, une dénonciation de l’engagement partisan du New York Post, de ligne conservatrice et de Jonathan Levine, l’auteur de l’article. Sans donner d’éléments de réponse concrets, cette contre-offensive montre surtout la polarisation extrême atteinte par le système médiatique américain… et la méfiance régnant sur le scrutin du 3 novembre prochain.
LeFigaro.fr