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a Côte d’Ivoire n’est pas à l’abri d’un
coup d’Etat militaire si l’indiscipline
persiste dans la Grande Muette. Invité
des Rendez-vous du gouvernement qui avait
pour thème : «Le défi de la reconstruction
d’unearméerépublicaine:bilanetperspec-
tives», leministredéléguéàladéfenseatiré
la sonnette d’alarme. «On a vu ici des
hommes politiques en campagne politique
avec des gens en armes. On voit ici des
hommes d’affaires qui font garder leurs
magasinspardesgensenarmes. Oubienun
lieutenant donner des ordres àuncomman-
dant ; un commandant donner des ordres à
ungénéral.Etquandonfaitça,nesoyezpas
surprisdemaindevoirdescapitainesdevant
la télévision pour s’exprimer comme on l’a
vu dans certains pays de la sous-région et
partoutdanslamonde»,aprévenu Paul Koffi
Koffi, faisant allusion aux militaires qui font
descoupsd’Etatenprenantenotagelatélé-
visionnationalepar laquelle ils informent la
population du nouveau changement de
régime.L’invitédujouradoncinvitéàladis-
ciplinedans les forces armées.
Paul Koffi Koffi est revenu sur les moments
qui ont suivi la fin de la crise postélectorale
oùleschefsdeguerrerégnaientsurdester-
ritoires qu’ils s’étaient partagés comme
butin de guerre depuis 2002. «Nous étions
pratiquement àune période oùsur l’ensem-
bleduterritoire,unedivisiondupaysoùdes
chefs militaires, ne serait-ce que prendre
l’’exempledelavilled’Abidjan,chacund’en-
tre eux gérait son quartier pratiquement, où
nous avons des militaires, pour ne pas dire
des hommes en treillis qui chacun, arme en
bandoulière, faisaient la pluie et le beau
temps», a rappelé l’ingénieur statisticien,
confirmant ainsi le
no-man’s-landquiaprévaluaprèsl’installa-
tiond’Alassane Ouattara aupouvoir.
Concernant la sécurité, le conférencier a
indiquéquelaCôted’Ivoiren’estpasàl’abri
de la menace terroriste. «Nul n’est épar-
gné», a-t-il prévenu, estimant que le pays
est voisin au Mali, qui est confronté aux
attaques djihadistes. Les Ivoiriens ne sont
toujourspasàl’abri malgrél’indicedesécu-
rité qui est actuellement de 1,2. D’ailleurs,
Paul Koffi Koffi a souligné que «la situation
des coupeurs de route n’est pas éradiquée
(...)nous étionsàune vingtainede coupeurs
de route dans le mois. Aujourd’hui nous
sommes à sept dans le mois». Les agres-
sions des microbes n’ont pas totalement
disparu. «Il y a encore quelques cas. C’est
comme un phénomène, ça ne s’éteint pas
comme ça», admet-il.
Des ex-combattants à n’en point finir
A l’approche des élections, les ex-combat-
tantsn’ont toujourspasététotalementdés-
armés.Leprocessusdésarmement,démobi-
lisationet réinsertion(DDR)estseulementà
un peu plus de la moitié d’exécution. «Sur
les ex-combattants, je vous ai dit que nous
étions à plus de 60% », relève Paul Koffi
Koffi.«Ilenrestemaintenantprèsde20000
à réinsérer », poursuit-il. Ce qui est inquié-
tantcarsiaprèsquatreans, leprocessusest
seulementà60%deréalisation, ilseradiffi-
cile de régler les 40% restants à seulement
à sept moisdes électionsprésidentielles.
Le ministre délégué à la défense annoncé
que l’Ecole nationale des sous-officiers
d’active (Ensoa) sera fermée pour faire la
part belle aux soldats qui se sont soulevés
en novembre 2014. «Pendant deux à trois
ans au moins, l’Ensoa va se charger de for-
mer ces jeunes promus sous-officiers ser-
gents ou sergents-chefs afin qu’on éta-
blisse l’équilibre [ratio officiers - sous-offi-
ciers]. Je pense que l’équilibre sera rétabli
selon nos calculs dans les deux à trois pro-
chainesannéesetainsionvarouvrir l’Ensoa
pour réengagerdenouveauxsous-officiers»,
a-t-il déclaré. En clair, tous les candidats
aux concours de l’Ensoa devront attendre
entre deux et trois ans.Cette décision privi-
légiedoncceuxquiprennent lesarmespour
revendiquer.
Pendant ces deux heures d’échanges, une
question relative à son manque d’autorité
sur l’armée a déclenché la colère du minis-
tre-invité. Lorsqu’un journaliste demande
son avis sur le fait que le ministre de
l’IntérieuretdelaSécurité Hamed Bakayoko
lui vole la vedette dans la résolution des
questionsmilitaires(commeonl’avulorsde
la mutinerie de novembre dernier) alors que
c’est lui qui a en charge la défense, Paul
Koffi Koffi ne cache pas son agacement et
sortde lui-même.«Dans ma carrière, jen’ai
jamais cherché à être une vedette. Il faut
êtreconcretsur leterrain.Etc’estçaquiest
le plus important. Donc, il s’agit encore de
travailler en synergie. Je pense que vous
faites allusion au 18 novembre [2014]. Vous
avezdit :«quandilyaplusieursévénements
». C’est le seul événement. Sinon, vous me
voyez sur les routes.Chaquefoisqu’il yaun
événement, une attaque d’un commissariat,
d’une brigade, vous me voyez sur le terrain.
Vous me voyez en train de traquer les cou-
peurs de route. Vous m’avez vu à Djékanou
sur les orpailleurs. Vous m’avez vu sur la
question des enlèvements d’enfants. Vous
m’avezvuencoresur leracket. Doncvousne
pouvez pas dire que vous ne me voyez pas
sur leterrain.Ça, jesuisvraimentdésolé.S’il
yaun ministrequ’onvoitsur leterrain,c’est
bien moi», s’est défendu, l’air nerveux, le
ministre de Ouattara. «Ce qui s’est passé le
18 novembre, j’allais dire, c’est ce qu’on
appelle la répartition des rôles. Le ministre
Hamed Bakayoko est ministre d’Etat. Donc
danslahiérarchiegouvernementale, ilapré-
séance sur moi. C’est la seule raison», se
justifie-t-il.
Lorsde cet échange, Paul Koffi Koffi a tenté
de rassurer les Ivoiriens en estimant que la
réforme du secteur de la sécurité (RSS) a
permisderestructureretderéorganiser l’ar-
mée après la criseque lepays a connue.
Par Benjamin Silué
Paul Koffi Koffi craint un coup d’Etat militaire
Invité
de la 17ème édition des Rendez-vous du gouvernement, hier jeudi 26 mars
au 20ème étage de l’Immeuble Sciam au Plateau, le ministre délégué à la
Défense
Paul Koffi Koffi s’est insurgé contre l’indiscipline dans l’armée et
exprimé ses inquiétudes sur une pratique qui pourrait conduire à la
catastrophe.
Paul Koffi Koffi s’insurge contre l’indiscipline dans l’armée.
Indiscipline dans l’armée
dans l’actu
LE NOUVEAU COURRIER | 3
LE NOUVEAU COURRIER < N°1243 Du Vendredi 27 Mars 2015
A
nge Kessi n’a pas dérogé à la répu-
tationqu’onlui connaitdésormais. Il
s’est encore illustré hier lors des
rendez-vous du gouvernement. Lorsque
la question sur le procès des deux mili-
taires acquittés (le commandant
Gnahoua Dablet et le Mdl-chef Kamanan
Tanoh Brice) lui est posée, après une
confusion (il s’est contenté d’évoquer le
procès des 14 militaires de la garde rap-
prochée de Gbagbo eux aussi relaxés),
Paul Koffi Koffi fait appel à ‘‘l’expertise’’
du procureur militaire Ange Kessi
Kouamé Bernard. Voici ce qu’il dit à pro-
pos du procès des deux militaires. «A ce
procès, vous n’avez pas bien suivi. Le
procès a duré sept heures. Et c’est mon
substitut qui était là à la réquisition. Il a
estiméqueletribunaln’apasdonnédroit
à une de ses demandes. Le tribunal a
violé les dispositions de l’article 120 du
code de procédure militaire qui lui per-
mettait d’entendre le témoin. Lorsqu’il
partait devant le tribunal, il partait pour
faire condamner. Mais il y a des témoins
qui n’étaient pas là, des témoins à
charge, des témoins qui lui permettait de
condamner les deux personnes. Mais
lorsque ces témoins ne sont pas là, il a
demandé au tribunal de lui permettre
d’appeler ces témoins, le tribunal a
refusé. Alors que le tribunal pouvait sur
labasedel’article120convoquerousus-
pendre l’audience et aller chercher ces
témoins. Les autres présidents du tribu-
nal militaireàl’époque l’ont fait.Souvent
même ils n’hésitent pas à descendre
dans les endroits où les faits se sont
passés pour aller chercher les éléments.
Le tribunal ne l’a pas fait», se défend
Ange Kessi, répondant à un journaliste
qui marquait sa surprise de voir le procu-
reur militaire se pourvoir en cassation
après que le parquet ait requis la relaxe
au procès.
Qui va rappeler à ce magistrat militaire,
plus politicien que juriste, que le parquet
est indivisible ! Ange Kessi veut d’abord
faire croire que c’est parce qu’il n’était
pas au procès que son substitut s’est
certainement permis un peu de liberté en
réclamant l’acquittement. Ce qui est peu
crédible puisqu’au moment des réquisi-
tions, il est venudans la salle d’audience
et c’est sous ses yeux que son substitut
a terminé son propos. Pourquoi ne s’est-
il pas opposé en ce moment ? S’il tenait
tant à faire condamner les deux mili-
taires, pourquoi n’a-t-il pas enfilé sa
toge de magistrat pour être présent à ce
procès puisqu’onl’a bienvuarriver tôt au
tribunal ce jour-là ? Sur la question des
témoins, le commissaire du gouverne-
ment est également peu convaincant.
Parce que son substitut a déclaré que le
témoin principal était injoignable, préci-
sant que depuis leur dernier contact,
«son portable est resté hermétiquement
fermé jusqu’à ce jour». D’ailleurs, la
défense a souligné que les déclarations
de ce soi-disant témoin étaient guidées
par une logique de vengeance contre ses
frères d’armes. Le tribunal a donc pris la
sage décision de rendre un jugement que
de se laisser manipuler par l’accusation
qui fait manifestement du dilatoire au
détriment de la vie de ces militaires
injustement poursuivis. Pour sa part, le
ministre délégué à la défense est encore
revenu sur le dossier des femmes
d’Abobo. «La question des femmes tuées
àAbobon’est pas encore passée enjuge-
ment.Ça le sera lorsqueAbéhi viendra en
procès (...) La question des femmes
d’Abobo sera traitée lors du procès
d’Abéhi», a-t-il insisté. Manifestement,
après avoir requalifié les faits pour ces
deux militaires (initialement poursuivis
d’avoir tués ces femmes d’Abobo avant
de faire marche-arrière), le régime veut
trouver d’autres boucs-émissaires. Si le
ridicule tuait.
B.S.
Aprèsavoiréchoué devant lajugeEttia
Ange Kessi poursuit son one man show spécieux