Nagasaki, 9 août 1945 : le plus grand crime de guerre jamais mis en œuvre
Le 6 août 1945, le temps est clair au-dessus d'Hiroshima. Piloté par Paul Tibbets, le B-29 Enola Gay largue "Little Boy" sur la ville à 8 h 15 min 17 s (heure locale).
Publié par Mr Propagande sur dimanche 6 août 2017
Nagasaki, 9 août 1945 :
le plus grand crime de guerre jamais mis en œuvre
Le 6 août 1945, l’humanité a subi le feu de la plus puissante arme jamais réalisée : la bombe atomique. Hiroshima est le théâtre d’une horreur surpassant tous les pires crimes de guerre commis jusque là ; trois jours plus tard, le 9 août, Nagasaki connaît le même sort, sans la moindre justification stratégique. Des centaines de milliers de civils en périront, sur le coup ou des années plus tard. Lever le voile sur les tenants et aboutissants véritables de ce massacre est un devoir historique.
Par Benoit Delrue. Lien court : http://wp.me/p6haRE-q3
Soixante-dix ans après les faits, l’épisode tient à peine la place d’une anecdote dans l’enseignement de l’Histoire tel qu’il se fait dans les pays occidentaux, France comprise. Le bombardement à l’arme atomique de la ville de Hiroshima, puis celle de Nagasaki, repousse tous les autres crimes de guerre à un rang inférieur ; jamais avant, ni depuis, l’humanité n’a connu une telle horreur. Il est indispensable de faire jour, même synthétiquement comme le veut cet article, sur la réalité de ces tirs, sur leurs causes et leurs épouvantables conséquences.
La justification permanente
Appliquer sur une population civile un tir de l’arme la plus puissante jamais réalisée est épouvantable ; pourtant, la manœuvre est systématiquement justifiée pour excuser le rôle des Etats-Unis, seule nation ayant osé la mettre en pratique.
Le bombardement atomique de Hiroshima, et celui de Nagasaki trois jours plus tard, serait motivé par les raisons les plus nobles : mettre fin à la guerre et, finalement, éviter des pertes supérieures. Le Japon capitula d’ailleurs le 14 août, sous la menace de nouveaux tirs d’ogives nucléaires. Enfin les ravages de la seconde guerre mondiale s’achevèrent, et le monde put connaître une ère de paix bienvenue.
Le mythe autour des bonnes intentions des Etats-Unis est constamment nourri par la frange dominante de la discipline historique. Lancé en 1942, le projet Manhattan fut lancé pour mettre au point l’arme atomique ; en parallèle, des bombes à l’uranium et au plutonium furent conçues par les USA avec le concours de la Grande-Bretagne et du Canada. Le 16 juillet 1945, sur la base aérienne d’Alamogordo dans le Nouveau-Mexique, un tir d’essai a été réalisé, et ce n’est que son succès qui aurait poussé ses concepteurs à l’appliquer au Japon.
Grâce aux bombardements nucléaires sur des villes de seconde importance qu’étaient Hiroshima et Nagasaki, l’empire du Soleil-Levant capitula enfin ; ce qui évita la mise en exécution de l’opération Downfall, consistant en un débarquement de troupes d’infanteries américaines sur les plus grandes îles de l’archipel. La seconde guerre mondiale, le conflit mondial le plus meurtrier de l’Histoire finit en grande partie en raison des cartes abattues par les USA ; et l’arme nucléaire devait être utilisée pour que personne n’ose y recourir ultérieurement.
La légende autour du bombardement, vengeant les soldats américains tombés et utilisé par le président Harry S. Truman pour éviter de plus grands massacres, ne tient pas la route. Pour s’en rendre compte, il faut établir toutes les conséquences induites par l’usage de la bombe, et replacer les faits dans le contexte réel de l’époque. L’acte est largement moins justifié par les livrées pacifiques des Etats-Unis que par leur volonté de dominer le monde.
L’horreur des bombes atomiques sur des cibles civiles
Le 6 août 1945 à 8h15 heure locale, un bombardier américain B-29 du nom d’Enola Gay apparaît dans le ciel de Hiroshima. Il largue à toute vitesse une ogive nucléaire, Little Boy, alors qu’il se trouve au centre de la ville ; les habitants regarderont une dernière fois le ciel avant l’explosion. Quand la bombe atteint le sol, une immense boule de feu d’un kilomètre de large détruit tout sur son passage, y compris les immeubles. Plus de 70.000 habitants sont tués sur le coup ; les quartiers excentrés prennent feu les uns après les autres, subissant un feu ravageur qui réduira en quelques jours la ville en cendres. Trois jours plus tard, le 9 août 1945, la ville de Nagasaki connaît un sort identique ; près de 50.000 personnes y sont instantanément réduites en poussière, tandis que l’incendie gagne la totalité de la ville.
Plusieurs mois après les faits, le demi-million de survivants des deux bombardements connaîtront des souffrances sans précédent. Ceux exposés à la chaleur de l’explosion ou aux radiations de la bombe vont peu à peu perdre leurs cheveux, présenter des cicatrices chéloïdiennes, être atteints par de multiples cancers et par la leucémie. Les hikabusha, « exposés à la bombe », verront naître leurs enfants avec des malformations et périront pour la plupart dans des douleurs inouïes.
Et ce n’est pas fini : « les risques de leucémie ont disparu après environ dix ans, mais on observe ces dernières années des maladies de la moelle osseuse », des syndromes myélodysplasiques (MDS), explique Noboru Takamura, professeur à l’Institut des maladies de la bombe atomique, créé en 1962. Soixante-dix ans après l’éclatement atomique, la population exposée et ses descendants payent encore très cher de s’être trouvé sur les lieux irradiés. Au moins 250.000 personnes sont mortes directement après le bombardement, selon l’historien Howard Zinn, tandis que 450.000 autres subiront des pathologies liées à l’exposition. Les faits sont d’autant plus terribles qu’aucun objectif militaire n’était visé par les attaques à l’arme atomique : seule la population civile était la cible des ogives envoyées par les Etats-Unis. La plaie ouverte par cet acte au sein de la population japonaise est loin de s’être refermée aujourd’hui.
Empêcher les Russes d’entrer au Japon :
le premier acte de la guerre froide
Remettre les faits dans leur contexte est nécessaire pour mesurer la portée du plus grand crime de guerre jamais réalisé. Ce n’était pas le Japon qui était visé par cette attaque, mais un tout autre ennemi : la Russie soviétique. L’empire du Soleil-Levant avait déjà essuyé ses plus lourdes défaites, dans l’océan pacifique face aux troupes américaines ou sur le continent asiatique contre les troupes russes. L’Union soviétique (URSS) venait de délivrer Sakhaline, sous occupation japonaise, après avoir libéré la Mandchourie, la Mongolie et le nord de la Corée.
L’accord de Postdam, conclu le 2 août 1945 entre les USA, la Grande-Bretagne et l’URSS, prévoyait l’entrée en guerre de la Russie sur les terres japonaises ; ce qui fut fait dès le 8 août. C’est pour éviter la partition du Japon avec les soviétiques, comme en Allemagne, que les bombes atomiques ont été envoyées. C’était le seul moyen pour les Etats-Unis de réduire l’influence de l’URSS en imposant une domination totale au Japon, avec l’administration militaire qui résultat de la capitulation sans condition de l’archipel.
Le général Leslie Richard Groves, qui dirigea le projet Manhattan, expliquait n’avoir « aucune illusion que la Russie puisse être autre chose que notre ennemi », admettant que « le projet a été exécuté sur cette base ». Le secrétaire d’Etat James Byrnes lui-même déclarera que « la possession et l’usage de la bombe rendra la Russie plus contrôlable ». En outre, au 6 août 1945, le Japon faisait face à une lourde pénurie de carburants et de balles depuis plusieurs semaines, obligeant ses combattants à se tuer en kamikaze en abattant leurs propres avions sur les cibles ennemies. L’empire était fébrile, et sur le point de succomber en cas de débarquement de troupes soviétiques, tel qu’il était prévu par les Alliés.
L’envoi d’ogives nucléaires sur le sol japonais est donc, contrairement aux apparences, beaucoup moins le dernier acte de la Seconde guerre mondiale que le premier pas de la Guerre froide. Les Actes de capitulation, signés par le Japon le 2 septembre 1945, permît aux Etats-Unis d’asseoir leurs autorités sur l’archipel face à la Russie. En recourant à l’arme nucléaire, les USA ont à la fois violé les accords de Potsdam du 2 août et les accords de Londres du 8 août, adoptés par les Alliés pour mettre en place un Tribunal militaire international. C’est avec d’autant plus de déshonneur et de cynisme que les Etats-Unis enverront, le lendemain des accords, une seconde ogive sur la ville de Nagasaki ; tandis que l’Empire du Soleil-Levant s’apprêtait à formuler sa reddition. Nagasaki, comme Hiroshima, ne disposait d’aucune infrastructure militaire d’importance. Seule la population civile en était la cible, et elle continue encore aujourd’hui à en payer l’insupportable prix.
Les crimes sont inhérents à toute guerre, dès lors qu’elle implique la destruction de villes entières, l’oppression d’une population sous l’occupation, ou l’emploi d’armes toujours plus lourdes. Dans ce sordide classement, le bombardement atomique infligé au Japon par les USA surpasse tout ce qui a été commis avant et depuis. Du nombre de victimes pulvérisées instantanément jusqu’aux maladies liées à l’exposition encore constatées soixante-dix ans après les faits, l’arme nucléaire est sans égal. Seuls les Etats-Unis s’en sont servis sur le terrain, prouvant si besoin était leur mépris total des vies humaines au regard de leurs intérêts géopolitiques et économiques. L’usage d’ogives nucléaires à deux reprises, alors que le Japon s’apprêtait à céder après la destruction de Hiroshima, rend la nation américaine lourdement coupable.
Le black-out organisé, jusqu’en France, sur les conséquences réelles des attaques atomiques est le fait d’une propagande incessante orchestrée par les USA. L’Histoire est toujours écrite par les vainqueurs, et les Etats-Unis, en triomphant de l’URSS, ne laissent aucune place au débat sur leur prétendu altruisme durant la Seconde guerre mondiale. Le bombardement nucléaire de Hiroshima et Nagasaki fut pourtant le moyen, avant tout, d’instaurer la peur nécessaire à la domination hégémonique des USA sur le monde. Le mythe bienfaisant d’une arme utilisée à contre-cœur doit être abattu pour révéler à tous la vraie histoire de l’impérialisme américain.
B.D
leBilan.fr