CPI, pour essayer de comprendre ce qui se passe

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-Question 1 : Qu’est-ce que la liberté conditionnelle ? Qu’est-ce que la liberté provisoire ?

Me Dakouri:
– Dans les deux cas, il s’agit de liberté provisoire.
Par liberté provisoire, faut-il en entendre la mesure conservatoire tendant à rétrocéder sa liberté à quelqu’un qui est détenu, et dont le procès est en cours.

Dans le cas de la « simple » liberté provisoire, il sera loisible au juge de l’accorder, sans nécessité de l’assortir d’une mesure de sûreté.

On parlera, là, de liberté provisoire tout simplement.

En revanche, lorsque le juge décidera souverainement d’assortir l’octroi d’une liberté provisoire, de certaines conditions, soit du paiement d’une caution d’un certain montant, soit de la prescription de certaines mesures de sûreté, tels la résidence surveillée, le port d’appareils électroniques, la présentation périodique devant le juge, nous serons dans le cas de liberté provisoire sous conditions…

– Question 2 : Pourquoi l’annulation de la décision ne met-elle pas systématiquement Laurent Gbagbo en liberté?

Me Dakouri: Quoi qu’ayant annulé la décision des premiers juges, en date du 10 mars 2017, la Cour n’a pas accédé à la demande de mise en liberté, pour deux raisons toutes simples :

Primo : La Chambre d’Appel est une juridiction qui est uniquement juge du droit. Qu’est-ce que cela veut dire ? Cela veut tout simplement dire que la Chambre d’appel a compétence pour juger du respect de la loi par les premiers juges dans leur décision. La Chambre d’appel n’a pas de pouvoir d’évocation par principe, c’est-à-dire que la Chambre d’appel n’est pas juge du fond.

En conséquence, lorsqu’elle constate la violation de la loi, par les premiers juges, elle annule tout simplement la décision, et demande auxdits premiers juges de revoir leur copie, en tenant compte de sa position supérieure.

Si, par extraordinaire, ces juges méconnaissaient encore les motivations des juges supérieurs, en cas d’un nouveau recours, la Chambre d’appel serait fondée à examiner la demande portant mise en liberté provisoire.

– Question 3 : Pourquoi le Juge d’appel ordonne-t-il un réexamen de la mise en liberté de Laurent Gbagbo comme pour dire qu’il faudrait fonder autrement la décision de maintien en détention ?

Comme nous venons de le développer précédemment, la Chambre d’appel qui n’est que juge du droit, est fondée à renvoyer l’affaire devant le premier juge.

Question 4 : Cela exclut-il une substitution de motifs de la part de ces premiers juges, pour justifier le rejet de la nouvelle demande de mise en liberté du Président Gbagbo ?

Me Dakouri: Très pertinente question, cher frère.

Seulement, lorsque tu observeras la trame des sanctions prononcées par les juges de la chambre d’appel, tu observeras, sans peine, qu’elle concentre l’essentiel des prétextes dont se servent les premiers juges pour refuser régulièrement les demandes de mise en liberté du Président Gbagbo.

Tout fait qui montre éloquemment que la marge de manoeuvre pour ces premiers juges reste quasi inexistante, sauf à s’adonner à du non droit, comme d’habitude.
Roger Dakouri Ledj et Digne Ivoirien.

Question. Étant donné que l’un des arguments de la première chambre pour refuser la liberté provisoire conditionnelle au président Gbagbo c’était qu’il avait encore un réseau de soutiens qui pourrait organiser sa fuite, et que ce point spécifique (du réseau de partisans) n’a pas été abordé dans l’arrêt de la chambre d’appel hier, qu’est ce que cela veut dire? N’est ce pas là que la chambre d’appel a volontairement laissé de côté l’un des points clés sur lequel la première chambre s’était appuyée pour refuser la liberté ? Si la chambre d’appel n’a pas clairement invalidé ce point comme elle l’a fait pour les autres points où elle a cassé les arguments de la première chambre, n’est ce pas là une vraie distraction ? Sans compter que la première chambre peut toujours venir avec de nouveaux arguments pour toujours refuser la liberté. Au fait, je veux mettre en évidence le ping pong dans lequel la CPI est et appeler à la vigilance.
Ce système est très malicieusement vicieux et il faut dormir d’un oeil ouvert.
Amougnan
Apollos Dan Thé

Le fonctionnement de la Cour pénale internationale l’emprunte au système judiciaire anglo-saxon. Pour ce qui concerne l’appel, la question réglée par le chapitre 8 du Statut de Rome portant création de la CPI. Ainsi, le procureur mais aussi la personne accusée peuvent interjeter appel près la chambre d’appel qui joue le rôle de juridiction de second et donc de dernier degré.
La cour d’appel a donc dans sa décision la latitude soit: d’annuler ou de modifier la décision ou la condamnation soit d’ordonner un nouveau procès devant la chambre de première instance. La dernière procédure est inédite car elle retire subrepticement le pouvoir de juger en appel. C’est cette procédure qu’a adopté la cour d’appel par le biais de son « jugement ». Elle ordonne donc à la chambre de première instance de réexaminer sa décision et de prendre en compte le temps que le prévenu a passé en détention préventive ainsi que l’âge du détenu.

Il s’agit donc d’une victoire manifeste car après plus de 12 refus et autant d’appels, c’est bien la première fois que la Cour d’appel donne la latitude à la Chambre de première instance de se pencher sur le cas de la liberté provisoire. L’âge et l’inédite période de détention du président Gbagbo plaideront donc en sa faveur puisqu’il ne faudra convaincre qu’un seul juge. Le juge Cuno Tarfusser étant déjà pour la liberté provisoire (nonobstant le fait qu’il puisse se rétracter à nouveau).

La brèche est monumentale car nos adversaires qui mus par une domination sans partage tant au plan local qu’au plan international nous avaient fait passer pour de dangereux illuminés. C’est d’ailleurs un des argumentaires retenus par les deux juges de la Chambre de première instance qui nous avaient qualifiés nous les partisans du président Gbagbo de « réseau de partisans ». Ils avaient même allégués sans preuve dans une décision injurieuse au droit et à l’intelligence humaine que le président Gbagbo comptait sur ce « réseau de partisans » pour s’échapper. En retournant la patate chaude à la Chambre de première instance et en lui enjoignant de prendre en compte l’âge et la durée de détention du prévenu, la Cour d’appel ôte à la chambre préliminaire les moyens et arguments farfelus qu’elle avait sans preuve allégué en amont. En français simple pour paraphraser mon frère Galebahi Baroan, la cour d’appel annule les résultats du dernier match pour qu’on puisse le rejouer.

Restons donc mobilisés, il faut capitaliser chaque victoire, jusqu’à la libération du président.
Wazi Guipié